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La guerre économique, faiblesse de l’Union européenne ?







22 Mars 2022

L’Union européenne peut-elle garder la tête hors de l’eau sur le plan économique lors que « La concurrence européenne est malheureusement interne, dans ses composantes historiques » ? Avocat et Professeur associé à l’École de guerre économique, Olivier de Maison Rouge nous confie sa vision sur la puissance européenne au moment même où nous nous séparons de la Russie. Membre fondateur de l’École de Pensée sur la Guerre Économique, il vient de publier « Gagner la guerre économique, Plaidoyer pour une souveraineté économique & une indépendance stratégique » (VA Éditions) dans lequel il formule une réponse programmatique pour affronter économiquement un monde en bascule.


La guerre en Ukraine va-t-elle impacter l’économie de l’Union européenne et donc sa place sur l’échiquier international ?

Au-delà du conflit armé qui se déroule aux portes de l’Europe, il est certain – et navrant – de voir que le couple Europe/Russie, qui jouit d’une longue histoire commune, est séparé durablement. Indépendamment des questions de régime politique, la Russie occidentale (qui a de tout temps été une autocratie) et l’Europe avaient su nouer de solides amitiés et d’ailleurs le général De Gaulle continuait à parler de « Russie », ne voyant dans l’URSS qu’une parenthèse de l’histoire eurasiatique.

Après ce premier constat, il faut voir combien cette guerre provoquée, fruit d’une diplomatie agressive depuis 2014 (suite aux accords de Minsk), va conduire davantage la Russie à s’offrir à la Chine (devenue très puissante) et tourner le dos à l’Europe, tandis que celle-ci va devoir se reporter sur son « oncle d’Amérique ». Le fossé sera plus grand encore. Et cela va mécaniquement exposer l’Europe, par ricochet, aux sanctions économiques. Finalement elle se retrouve placée entre le marteau et l’enclume.

Les États de l’Union européenne sont-ils trop divisés pour mener une stratégie économique tenant la route face à la Chine et aux États-Unis ?

La problématique européenne existe depuis 1945 et la chute de l’Allemagne nazie. Celle-ci a depuis lors renoncé aux armes. Elle s’est rangée sous le parapluie américain. Pour en connaître tous les ressorts qui ont dicté la politique européenne depuis 1945 je vous invite à lire Georges-Henri Soutou, issu du Quai d’Orsay témoin et désormais historien des relations européennes.

De fait, depuis sa construction, le péché originel de l’Europe est son impuissance, dictée par les intérêts divergents entre les tenants d’une Europe forte et indépendante, comme l’a voulue le général De Gaulle, et celle qui préfère s’en remettre à l’OTAN, c’est-à-dire aux États-Unis. Ces tensions ont traversé le temps, jusqu’à nos jours encore.

Une troisième voie, non-alignée dans ce monde bipolaire, dont il a été souvent question au sein des institutions européennes est encore et toujours au cœur des discussions, sans trouver d’issue.

Nous avons loupé le coche du développement pour les nouvelles énergies, mais n’est-il pas trop tard ? L’Union européenne devrait-elle par exemple continuer ses investissements pour le développement de l’hydrogène ?

Nous avions fait le choix d’une industrie d’avant-garde et décarbonée : le nucléaire. Outre le fait que cela permettait une véritable indépendance énergétique, elle reste une énergie moderne, pour peu que l’on veuille bien la prendre en considération.

Aujourd’hui, il n’existe pas de véritable énergie alternative, aussi souveraine ni en termes de capacité. L’éolien est un miroir aux alouettes qui n’offre nullement une énergie verte ni innovante.

Dans l’automobile, le choix de l’électrique, au détriment des moteurs thermiques, par exemple, loin d’être une énergie de substitution est en réalité davantage une énergie de transition. Il ne faut donc sans doute pas se ruer dessus sauf à faire les affaires des bonimenteurs.

En revanche, l’hydrogène est effectivement l’énergie d’avenir la plus innovante et durable. Elle est d’ailleurs relativement ancienne si ce n’est qu’il appartient désormais aux industriels de savoir maîtriser la combustion comme la capacité de stockage. C’est tout l’enjeu actuel pour un usage public, à grande échelle.

Les distances prises avec la Grande-Bretagne vont-elles créer une nouvelle concurrence pour l’Union européenne ?

La Grande-Bretagne s’aligne sur les États-Unis comme on l’a vu dans l’affaire des sous-marins australiens. Par ailleurs, sa liberté stratégique retrouvée, elle tente de s’appuyer sur les pays du Commonwealth pour étendre désormais son influence commerciale. Elle a donc clairement pris le parti de tourner le dos à l’Europe continentale. Ce faisant, elle s’expose beaucoup en Asie, au risque d’un conflit avec la Chine, que l’on sous-estime vu d’Europe.

L’Europe continentale doit pour sa part composer avec un autre « cheval de Troie » qu’est l’Allemagne. On le voit dans le conflit opposant la Russie à l’Ukraine. Il n’est pas certain que l’Europe retrouve à court terme une autonomie dans ces conditions. La concurrence européenne est malheureusement interne, dans ses composantes historiques.